RÉCIT COQUIN
LE SALAUCRATE
CHAPITRE 5
" Toute relation de couple, aussi harmonieuse soit elle au début de son histoire, risque avec le temps de tourner à la farce ou à la tragédie ".
" Lunes de fiel " film de Roman Polanski, tiré du roman de Pascal Bruckner et choisi par Karine.
Toutes mes études post-bac furent accompagnées par une seule fille, Nadia, cette fameuse petite brunette au sourire divin et qui symbolisa la rupture d'une promesse personnelle inconsciente de fidélité à mes principes. C'était la première fois que j'étais, non seulement séduit, mais de plus amoureux.
Je l'avais aperçue dans la masse de l'amphithéâtre, attentive, sublime, féminine, impossible et mystérieuse. Je décidai de provoquer le destin et de lui parler. Après un cours, je la suivis dans le couloir. Elle était seule, et je me lançai avec un pincement au cœur qui me surprit autant qu'il me déplut.
Je fus happé par ses yeux et ne sus plus quoi dire. De près elle était encore plus belle ! Les étudiants qui passaient autour de nous, à ce moment, n'étaient pas là, remisés dans les éléments du décor. Au bout d'un certain temps, elle me sourit, et m'invita à prendre un verre. Je la suivis.
Je n'avais rien dit.
Quand je vois une relation qui part comme ça, à la télévision ou dans la vie, je tire la sonnette d'alarme mentale. Danger ! Manipulation ! Sénilité ! Mais j'avais été piqué par l'amour, et rendu aveugle par l'éclat de ses propres yeux. Pour la première fois je n'étais pas le petit loup manipulateur, mais un gars intimidé par ce qu'il ne savait pas être son premier amour.
Pendant ces cinq années de vie de couple, la première m'a permis de découvrir un état de symbiose, dont je ne soupçonnais l'existence que par ouï dire, et dont je mettais en doute la véracité.
J'apparentais l'image de béatitude mutuelle, renvoyée par les jeunes couples que je côtoyais, comme de l'égoïsme à deux et un manque total de savoir vivre et de savoir être en société. Quoi de plus énervant, en effet, que ces couples qui, dans une soirée, ne se lâchent pas d'une semelle, s'embrassent dans les coins en permanence et ne communiquent avec les autres qu'an minimum, préférant se chuchoter à l'oreille des propos qui ne doivent faire rire qu'eux-mêmes et qu'eux seuls sont en mesure de comprendre, pour refuser aussi ostensiblement de les partager.
J'ai découvert, avec Nadia, que le sentiment amoureux est exclusif et ne supporte qu'avec difficulté la présence d'une tierce personne. Ce n'est pas, en fait, de l'égoïsme, mais une relation d'autosuffisance mutuelle et symbiotique, où toute tentative d'introduction extérieure est perçue comme un danger pour la stabilité émotionnelle et sexuelle du couple.
Je voyais moins mes amis, mais je n'en avais plus besoin.
Pendant cette première année, nous avons joué la symphonie de notre amour, à quatre mains et à deux temps. Le temps où nous étions ensembles et celui où nos études et les rares activités que nous n'avions pas ensemble nous obligeait à une douloureuse séparation.
Cela a été une période heureuse de ma vie, qui a perduré au-delà de cette première année, mais dont les suivantes ne furent qu'une tentative de rejouer la même scène du bonheur, avec de moins en moins de conviction et le sentiment inéluctable d'une fin imminente, mais sans cesse repoussée.
La deuxième année fut celle de l'apprentissage des concessions. Lorsque, à vingt ans passés, après avoir enfin réussi à sortir du giron familial, et après avoir goutté à l'infini sentiment de liberté et de libre choix, on se retrouve dans l'obligation de suivre à nouveau des conseils arbitraires et autres imprécations, la pilule est dure à avaler.
Conjugué à la volonté de ne pas blesser l'être aimé, il faut alors ravaler ses rancœurs… Tourner sept fois sa langue dans sa bouche… Surveiller ses propos pour éviter tout malentendu… Bref, assumer un sentiment grandissant d'insatisfaction et de frustration.
Cela s'appelle " apprendre à vivre ensemble ", vous n'êtes plus seul avec vous-même, à essayer de vous dépêtrer entre vos désirs et vos fantasmes, avec vos craintes existentielles et vos doutes professionnels, il faut maintenant composer avec ceux de la personne qui dorénavant partage votre vie.
C'est donc un nouvel équilibre intérieur et extérieur à trouver, qui n'est pas toujours facile à tenir !
Il est bien compliqué de coller en permanence à l'image idéale que l'autre voit en nous ou telle qu'il souhaite que nous soyons.
J'aime beaucoup le texte du refrain de la chanson d'Axel Bauer " A ma place " :
" Je n'attends pas de toi que tu sois la même,
Je n'attends pas de toi que tu me comprennes,
Seulement que tu m'aimes pour ce que je suis… "
Ce désir inconscient du partenaire idéal renvoie trop au vécu de la personne, en tant que fille ou fils de…, Qui s'est projeté en tant que femme et mari de …
La troisième année, c'est le désir envers l'autre qui en prend un sale coup. Cette attirance impulsive et irrésistible de vous insinuer en elle et de la satisfaire au mieux de vos capacités, perd progressivement de son intensité pulsionnelle.
Le sexe n'est plus votre principal mode de communication et lorsque vous regardez autour de vous les autres couples, qui vivent la même diminution de leur libido, vous essayez alors, comme eux, de substituer au désir incontrôlable, que vous ressentiez au début, des notions de complicité, de compréhension, d'écoute et de respect mutuel.
Les rapports sexuels, dans le couple, prennent alors un caractère d'automatisme, l'habitude, autant que le temps, tuant la spontanéité des rapports physiques et le désir libidineux.
Vous ne fantasmez alors plus sur l'autre, mais sur les autres, toutes les autres, toutes celles que vous croisez dans la rue, à la fac, dans des soirées et fréquemment même, vous fantasmez, dans des situations aussi équivoques qu'excitantes, sur la copine de vos amis.
Mon ami Eric, qui tentait de relativiser à propos de ces lendemains qui déchantent et de donner un sens à cet état régressif du couple, m'a dit un jour que pour lui :
" Rien n'est plus important que la gentillesse, c'est la plus grande preuve d'amour que tu peux donner à l'autre… ".
Personnellement je ne l'envisageais pas de cette manière, refusant obstinément une situation qui m'échappait de plus en plus. Il n'était pas question que de gentillesse, pensais-je alors, ni question d'accepter que mon couple se divise en deux plaisirs solitaires, rarement partagés.
Je voulais, à tout prix, trouver des substituts et des situations où notre désir et notre libido pouvaient de nouveau exploser.
Ce fut le début d'une longue descente aux enfers d'une sexualité de plus en plus ambiguë. Avec Nadia, nous avons commencé à imaginer des situations érotiques, d'abord en recherchant des lieux originaux et nouveaux pour nous, où notre désir pouvait renaître - comme les ascenseurs bien sûr, les toilettes de trains, ou encore les portes cochères et dérobées de ma jeunesse masturbatoire, …
…Puis, nous avons essayé de fréquenter ces lieux où des couples en mal de (re)vivre leurs pulsions sexuelles vont, tels les boîtes échangistes.
L'infidélité m'avait toujours délicieusement titillé, et la vision de ma compagne dans les bras d'un autre aurait dû m'exciter. Contre toute attente, ce fut un lamentable échec.
En opposition à ma gêne et à ma jalousie dissimulée, elle semblait, pour sa part, y prendre un réel plaisir et pour ne pas la frustrer, j'ai tenté de jouer le jeu. Ce fut certainement ma plus grosse erreur, car cette expérience ne fit que nous éloigner inexorablement, de plus en plus.
Elle finit par s'en rendre compte et nous avons tenté une nouvelle conversion, en mettant ensemble en jeu des scènes de plus en plus perverses, et nous nous sommes donc confrontés à l'expérience du sadomasochisme.
Plus l'on va loin dans l'extrême sexuel, plus on précipite la fin de la relation du couple.
Il n'y a plus rien de sain alors, et l'amour fond dans l'acidité des situations et des expériences, pas forcément violentes physiquement, mais d'une rudesse telle, qu'elles laminent toute douceur et tout sentiment amoureux entre les partenaires. La pente du vice est une pente agréablement douce et huileuse lorsqu'on la descend, mais quand arrivés au fond du gouffre des plaisirs de la souffrance et de la soumission, que l'on ait joué le rôle du tortionnaire ou celui du supplicié, elle s'avère longue et raide, comme une verge en pleine érection, lorsque l'on se retourne et que l'on tente de s'attaquer à la remontée.
La quatrième année voit se profiler, à l'horizon, l'idée fixe que vous vous êtes peut-être trompé de personne, que celle en qui vous aviez mis vos espérances, et qui devait vous permettre de réaliser un grand projet commun, n'était pas la bonne personne.
De même, vous vous demandez si vous êtes celui qui lui convient le mieux et que peut-être, vous ne faites, en fin de compte, que la limiter et la retenir avec vos fausses convictions et vos idées préconçues, toutes masculines, sur la sexualité et la vie en générale.
Vous vous raccrochez cependant à vos souvenirs, les " tu te rappelles avant, quand… " et les " avant tu disais, tu faisais, tu me faisais…", deviennent discutions courantes et sources de regrets, de frustration, puis de haine.
La haine et le penchant négatif et immanquable de l'amour prolongé, et pour haïr vraiment il faut avoir aimé avec la même intensité.
À l'issue de la cinquième et dernière année, nous nous sommes quittés d'un parfait et commun désaccord.
Enfin, pour être parfaitement honnête, je dois quand même préciser que c'est elle qui a pris l'initiative de la rupture, et j'en ai été grandement soulagé, bien que laminé, au fond de moi-même, de tant d'efforts pour maintenir ma tête au-dessus de la surface de la séparation.
On attribue, traditionnellement, la valeur du courage à la gent masculine. Hors les femmes sont capables d'un même courage, quoique différent, moins viril et plus féminin. En tout cas plus lucide, car, quand elles ont pris leur décision, elles s'y tiennent inflexiblement sans tenter par de faux-semblants, de se leurrer d'espérances et de mensonges à soi-même.
Nous aurions dû mettre fin à notre liaison amoureuse lorsqu'elle n'en était encore pas une, comme je l'avais toujours fait. On aurait dû se séparer quand la passion était à son apogée, afin d'éviter l'inévitable déclin qui guette tous les couples d'amoureux. Afin d'éprouver une grande tristesse, une fois pour toute, teintée d'images sublimes et non de regrets.
Après cette heureuse expérience de la vie de couple et celle, douloureuse, de la séparation, je me suis promis, sinon de ne plus aimer, au moins de ne les aimer que le temps de la passion.
J'ai recommencé alors comme à l'adolescence, à cumuler les conquêtes faciles et d'un temps, parfois quelques semaines, le plus souvent quelques jours et fréquemment d'une seule nuit.
Mon expérience m'avait cependant forgé une détermination farouche d'extraire, de chaque femme, sa substantifique moelle, qui traverse le corps en partant du cerveau pour arriver au cœur de leur faille, point central et culminant de leur faiblesse et de leur puissance, leur sexe.
Le sexe des femmes est comme une bouche, qui tète avidement la nourriture que nous leur offrons, elles sont mêmes tellement goulues, qu'elles possèdent plusieurs bouches pour nous vider de notre propre substance vitale.
Je décidai cependant que ces vampires ne me soumettraient plus à leurs volontés, qu'elles seraient dorénavant mes douces et tendres brebis, à la chair tendre et délicieuse, perdues dans la montagne de leurs désirs.
Je suis un loup solitaire et affamé, elles sont ma nourriture et comme beaucoup d'animaux sauvages, je les dévore en premier par leur plus tendre organe, avant de m'attaquer aux autres.
Dans la cour du collège, pendant la récréation, nos discussions entre garçons portaient de moins en moins sur nos jouets respectifs, mais de plus en plus sur celui qui se tapissait à l'ombre de nos poils pubiens clairsemés. En ce début de floraison et de printemps naissaient, en effet, nos premiers émois sensuels et notre conscience des choses du sexe.
C'était l'été, mes parents m'avaient envoyé pendant quatre semaines en vacances à la campagne, chez mes grands-parents. J'avais alors dans les quatorze ans, je venais à peine de sortir de l'enfance et peu à peu mon corps se transformait en celui de l'adulte névrosé que je serais bientôt.
Mon entrée au lycée marqua un autre tournant dans ma vie sexuelle. Le bahut se situait dans la plus grande ville du canton et je réalisais, bien vite, qu'il abritait un assortiment féminin très diversifié et de qualité. De fous rires, en amours soudains, le temps passait agréablement sous le préau du bâtiment scientifique, alors que nous fumions des cigarettes de manière désinvolte.
Toutes mes études post-bac furent accompagnées par une seule fille, Nadia, cette fameuse petite brunette au sourire divin et qui symbolisa la rupture d'une promesse personnelle inconsciente de fidélité à mes principes. C'était la première fois que j'étais, non seulement séduit, mais de plus amoureux.
Nous les mecs, nous adorons nous retrouver ensemble, si possible avec une bière à la main et de préférence dans un bar avec de la musique pour couvrir nos propos et pour avoir des jolies filles à mater.
Cette ambiance est pour nous l'occasion de nous livrer à l'une de nos joutes verbales préférée, le déblatérage sur les gonzesses et l'exagération de nos performances sexuelles du moment.
À vingt-neuf ans, presque trente, je suis comme on dit tombé follement amoureux d'une fille de la classe de mon neveu. C'était la plus belle fille du Lycée, elle avait dix-sept ans et il dégageait de tout son être un mélange aphrodisiaque de maturité sexuelle et de naïveté infantile, qui me faisait complètement craquer.